Interview Mia Doornaert
Ses performances journalistiques lui ont valu le titre de baronne. Mais Mia Doornaert (76 ans) est surtout connue ces dernières en tant que comme chroniqueuse et présidente de ‘Literatuur Vlaanderen’. Originaire de Flandre occidentale, elle est aujourd’hui Bruxelloise et fière de l’être. Selon elle, quelles sont au juste les forces et les faiblesses de notre capitale ?
Selon vous, quels sont
les atouts de Bruxelles ?
L'atout n°1 de Bruxelles, c'est que c'est une petite 'grande ville'. Bien sûr, on ne peut guère la comparer à Paris, Londres, Rome ou encore Madrid. Mais en tant que siège de l’Union européenne et de l'OTAN, elle abrite une importante communauté internationale, ce qui lui confère un caractère cosmopolite. Elle possède également une riche offre culturelle et culinaire, toutes deux appréciées des expatriés que je connais. En même temps, il n’est pas nécessaire d’aller très loin pour découvrir la nature verte. A l’étranger, en quittant une grande ville, il est souvent indispensable de parcourir des distances beaucoup plus grandes avant d’arriver à la campagne ou au bord de la mer.
En quoi Bruxelles pourrait-elle
encore s’améliorer ?
En premier lieu au niveau des infrastructures pour les habitants. Une de mes préoccupations est l'état de nombreux trottoirs, avec des nids de poule, des cailloux, avec une surface irrégulière et où le risque de se fouler la cheville ou de tomber est grand. Et l'état des routes est par endroits vraiment pitoyable.
Vous vivez à Bruxelles depuis 1970.
Quels changements majeurs
avez-vous constaté ?
Bruxelles a été mal pensé et ça date d’avant mon arrivée en fait. Mon cœur saigne encore quand je pense aux "autoroutes" telles que la rue de la Loi et la rue Belliard, qui se sont enfoncées dans le cœur de la ville. Ou quand je songe à l'avenue Louise, qui était autrefois une élégante avenue avec de beaux hôtels particuliers et est devenue aujourd’hui un gâchis.
Je me souviens de l'époque où les gens étaient autorisés à se garer sur la Grand Place et le changement n’est pas venu par les Bruxellois ou leur bourgmestres mais plutôt grâce au désarroi de journalistes étrangers, venus pour suivre l’actualité européenne et tombés sous le charme de notre capitale. Ils ne comprenaient pas comment on pouvait enlaidir la Grand Place de la sorte. Ici et là des articles de presse indignés parurent dans les pays voisins évoquant ‘le plus beau parking d'Europe’ et ils firent leur effet. Un échec plus récent est le piétonnier sur le Boulevard Anspach. En soirée, c’est assez inhospitalier, voire lugubre.
Bruxelles est-elle devenue moins sûre ?
Tout à fait. D'un côté, il y a eu les attentats terroristes. Mais il y a aussi l'insécurité au quotidien. Je n'ai pas de garage. Pendant des années, je rentrais parfois de mon travail au Standaard tard dans la nuit. Je me garais alors près de chez moi ou non, et je me dirigeais alors vers mon domicile sans soucis, avec mon ordinateur portable dans une main et mon sac à main dans l'autre. Hélas, ce climat serein, c’est terminé. J'ai été agressée à plusieurs reprises ces dernières années, dont une fois assez violemment : je suis restée allongée sur le trottoir avec une hanche fracturée. Hélas, je ne connais plus personne à Bruxelles qui n'ait jamais été cambriolé, sévèrement intimidé ou agressé. Sans parler des comportements sexuels menaçants ou violents envers les femmes. C'est une évolution très désagréable. Pourtant, j'habite dans un très beau quartier de Bruxelles. Et honnêtement, il y a des communes ou quartiers où je n'ai vraiment pas envie d'aller.
Mais il y a tout de même eu des évolutions positives ?
Sans aucun doute. Cela peut surprendre certaines personnes, mais j'ai constaté une amélioration de la connaissance du néerlandais, en particulier dans les plus belles rues commerçantes. Mais, quand j’entre dans un magasin, je commence toujours par poser la question ‘Spreekt u Nederlands?’ Par moments, je suis très déçue des Flamands de Flandre qui parlent français partout dès qu'ils arrivent à Bruxelles et puis qui se plaignent en rentrant chez eux en disant qu'« à Bruxelles, personne ne parle néerlandais ». Je ne dis pas que je peux me faire servir dans tous les magasins en néerlandais. Mais je privilégie les commerces où les gens parlent ma langue, ou du moins font un effort. Ce que je constate avec grand plaisir, c'est que de nombreuses familles issues de l'immigration envoient leurs enfants dans des écoles néerlandophones à Bruxelles. Ils se rendent compte que l’on peut facilement trouver un emploi dans la capitale si on est bon bilingue. D’un autre côté, je trouve très dommage que de plus en plus de Flamands ne maîtrisent plus le français ou ne font plus l’effort nécessaire pour l’apprendre.
Vous êtes à Bruxelles depuis longtemps
et vous comptez y rester ?
Oui, j'aime beaucoup l'ambiance bruxelloise. Ce côté assez ‘latin’, plus extraverti, ou un gentleman peut vous adresser un compliment en rue tel que 'ô madame, quel beau manteau' ou 'vous êtes très élégante'. Et last but not least, j'aime la capitale car c'est la seule ville véritablement internationale en Belgique.
